LRDG29 : Liberation souligne l’aggravation de la situation.
— 27 novembre 2020 à 20:11 dans libération
La grande collecte annuelle dans les supermarchés est organisée ce week-end. Mais avec la crise sanitaire, le président du réseau, Claude Baland, craint une faible mobilisation.
Plus que jamais, les banques alimentaires ont besoin de dons. La crise économique liée à la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’augmenter la demande de soutien des plus précaires. Alors confinement ou pas, les 79 banques françaises ont décidé de maintenir la grande collecte automnale qui durera tout le week-end dans les supermarchés. Mais la faible affluence dans les magasins risque de limiter le succès de l’initiative. Claude Baland, président bénévole du réseau, fait part de ses inquiétudes.
Quelles ont été les premières conséquences de la crise sur le nombre de bénéficiaires des banques alimentaires ?
Avant la crise sanitaire, les banques alimentaires répondaient aux besoins d’environ 2 millions de personnes. Mais dès le premier confinement, la demande a fortement augmenté. Entre le 18 mars et fin juin, on a eu entre 20 % et 25 % de bénéficiaires supplémentaires. Aujourd’hui, on aide 2,5 millions de personnes, mais les chiffres augmentent à nouveau depuis octobre. Pour le moment, on ne dispose pas de données précises mais on estime qu’on devrait connaître dans les trois à six prochains mois une nouvelle hausse de 20 %. Tout ça est assez logique quand on sait que 35 % des gens qui se tournent vers l’aide alimentaire le font après une perte d’emploi.
Comment avez-vous fait face à ces besoins ?
On s’est adapté. Normalement, les banques alimentaires ont pour principe de ne pas distribuer directement les denrées aux ayants droit. On fournit près de 5 400 associations : des petites épiceries solidaires comme des grandes organisations, à l’image du Secours catholique ou d’ATD Quart Monde. Mais la crise sanitaire a fait émerger de nouveaux besoins et nous a poussés à changer de fonctionnement. Le Crous nous a sollicités en nous expliquant que les étudiants ne pouvaient plus bénéficier des tarifs avantageux des restaurants universitaires, ces derniers étant fermés pendant le confinement. Alors dans certaines régions, comme en Nouvelle-Aquitaine, on a conçu des paniers spécialement pour eux, puis on les a distribués de concert avec la Croix-Rouge. Pareil dans les quartiers Nord de Marseille, où on a rapidement organisé des distributions pour aider les familles qui ne pouvaient plus compter sur les prix bas des cantines scolaires pour nourrir leurs enfants.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, et le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune, ont annoncé au début du mois de novembre une augmentation de 48 % des crédits européens dédiés à l’aide alimentaire. Un soutien insuffisant ?
Ces crédits sont très importants mais ils arriveront en 2021. Nos besoins en produits alimentaires sont urgents, on ne peut pas attendre ! D’autre part, mobiliser les fonds européens prend toujours beaucoup trop de temps. Pour acheter des produits avec, il faut obligatoirement passer par des appels d’offres à l’industrie agroalimentaire. Il arrive qu’aucun fabricant ne propose de produit pour le prix demandé. Le marché est alors déclaré infructueux, ce qui entraîne des pénuries. En ce moment, on manque d’huile et de lait pour cette raison…
Comment la crise sanitaire met-elle à mal votre mission ?
Notre grande collecte annuelle s’annonce particulièrement difficile. Elle a commencé vendredi dans les supermarchés et continuera tout le week-end. Chaque année, elle nous permet de distribuer l’équivalent de 24 millions de repas, ça représente 11 % des produits qu’on donne sur douze mois. Donc sa réussite est vraiment cruciale. Mais à cause de l’épidémie, il y a beaucoup moins de monde dans les magasins, donc beaucoup moins de donateurs potentiels : on craint d’en subir les conséquences.
Et puis on a aussi eu du mal à recruter suffisamment de bénévoles. En temps normal, ils sont 130 000 à nous venir en aide. Même si on a fait le nécessaire pour les protéger en distribuant des masques et en établissant un protocole sanitaire précis, les plus âgés, qui sont d’habitude les plus nombreux, ne seront pas présents. On peut heureusement compter sur beaucoup de jeunes pour compenser un peu. Ils sont 3 500 de la réserve civique à s’être inscrits. A l’échelle locale, les banques alimentaires ont signé des conventions de partenariat avec des associations étudiantes, des écoles de l’enseignement supérieur…
Pour sauver cette grande collecte, vous avez mis en place pour la première fois une plateforme en ligne de recueil de dons. Craignez-vous que ça ne soit pas suffisant ?
En effet, pour remédier à la faible fréquentation des grandes surfaces, on a lancé le 20 novembre notre première plateforme de collecte en ligne, «Mon panier solidaire». Jusqu’au 15 décembre, les gens peuvent choisir de donner l’équivalent d’un panier «petit-déjeuner», «bébé» ou d’un chariot «famille nombreuse», selon leurs moyens. En quelques jours, on a déjà récolté 225 000 euros de dons. On est assez optimistes pour la suite. On a tout fait pour qu’ils puissent faire preuve de générosité. Pour limiter les manipulations de biens, certaines enseignes proposeront par exemple des «bons» de dons, avec différents montants, à scanner à la caisse. Il faut impérativement qu’on arrive à financer au moins les 24 millions de repas annuels qu’on distribue d’habitude. Nous avons vraiment besoin que la population se mobilise, et encore plus que d’habitude.