Retraites : une réforme inutile, injuste et à contresens du progrès social

Communiqué de la Fédération de la Gauche Républicaine

Les pensions de retraite du régime par répartition représentent une partie du salaire des travailleurs, socialisée dans les caisses de sécurité sociale que gèrent leurs représentants syndicaux.

Pour éviter d’alourdir le « coût du travail » afin de redresser les profits, les réformes
antérieures ont mis lourdement à contribution les salariés. Elles ont réduit la progression des pensions et programmé un allongement de la durée de cotisation. La dernière en date – dite réforme Touraine – aboutissait déjà à reculer l’âge moyen de départ à la retraite à 64 ans en 2040 pour assurer l’équilibre du système. Alors pourquoi le gouvernement s’emploie-t-il à imposer une nouvelle réforme ? Ses deux piliers, déclarés non négociables, consistent à reculer l’âge légal de la retraite à 64 ans en 2030 et à accélérer (par rapport à la réforme Touraine) l’allongement de la durée de cotisation d’un trimestre supplémentaire tous les ans jusqu’en 2027 pour les générations nées après septembre 1961 ; cette durée serait alors de 43 ans pour toutes les générations nées après 1965. Pour la justifier, les deux principaux arguments martelés par le gouvernement sont : (1) que l’équilibre du régime est menacé à long terme,
(2) que travailler plus longtemps permet d’accroître le volume de travail et donc les richesses disponibles pour la redistribution afin d’assurer la pérennité de notre modèle social. Ces slogans sont discutables à plus d’un titre.

Une réforme inutile

L’équilibre financier du régime n’est pas menacé. Malgré la dégradation du ratio
actif/inactifs de plus de 60 ans et la baisse des gains de productivité, la part des dépenses dans le PIB va, dans la plupart des scénarii envisagés par le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), se stabiliser et décroître à long terme, consécutivement aux effets produits par les réformes passées qui aboutiront à réduire le niveau de vie relatif des retraités par rapport aux actifs. Actuellement à l’équilibre, le système connaîtrait un léger déficit (compris entre 0,2 et 0,7 points de PIB, soit moins de 10 milliards par an) dans les 25 prochaines années et retrouverait l’équilibre à l’horizon 2070. Ce déficit résulterait d’une contraction des ressources dans la fonction publique qui proviendrait essentiellement de la non indexation du point d’indice sur les prix et de la baisse programmée de l’emploi dans la fonction publique territoriale – cette baisse réduisant les ressources de la CNRACL où le taux de cotisation est plus important.

Par conséquent, si l’on décidait à l’avenir de réindexer le point d’indice sur l’inflation
et de mettre un terme à l’austérité dans la fonction publique, le régime ne subirait aucun
déséquilibre. Le COR n’établit évidemment aucune préconisation de ce type car tel n’est pas son rôle. Mais il souligne que « les résultats de ce rapport ne valident pas le bien fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite », comme l’a rappelé son président lors de son audition à l’Assemblée nationale.

En tous les cas, un déficit temporaire pourrait aisément être absorbé par les
ressources des différents fonds de réserve pour les retraites (s’élevant à 206 milliards
d’euros) et par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) – alimentée par la
Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) – qui affichera un excédent annuel de de 24 milliards d’euros à partir de 2024.

Une réforme injuste

Le gouvernement se targue de tenir compte des situations particulières des carrières
longues, des métiers pénibles et des seniors. Or les carrières longues devront cotiser deux ans de plus. Les salariés ayant commencé à 20 ans devront même cotiser 44 ans pour atteindre le nouvel âge légal. Les critères de pénibilité de « les charges lourdes » et « l’exposition aux vibrations mécaniques », « les postures pénibles », « l’exposition aux agents chimiques dangereux » ne sont pas intégrés dans le Compte professionnel de prévention (CP2). Enfin, le taux d’emploi des seniors reste inférieur en France à la moyenne européenne parce que les entreprises se séparent de leurs salariés en moyenne à l’âge de 59 ans. La création d’un index indicatif n’impose en aucun cas aux entreprises de conserver ou de recruter des seniors, qu’elles jugent usés et moins productifs. Le recul de l’âge légal fera alors croître les dépenses des caisses de chômage et d’invalidité, qu’il faudra d’une façon ou d’une autre financer.

Une réforme à contresens de l’histoire et du progrès social

Le second argument martelé par le gouvernement est que l’objectif de la réforme est
d’accroître le volume d’heures de travail afin de permettre à notre modèle social de
redistribuer le surcroît de richesses ainsi créées
. Cet argument, applicable dans un pays en développement où le progrès technique ne se serait pas diffusé, ne tient pas en France, où la productivité horaire du travail est l’une des plus forte au monde (bien que les gains de productivité se soient substantiellement réduits avec la désindustrialisation). En longue période, le volume de travail a diminué en France, en même temps que croissaient la productivité, le PIB et l’emploi. Ainsi, entre 1919 et 2019, le volume total d’heures travaillées a décru de 12%, tandis que la productivité était multipliée par 15 et le PIB par 13. L’emploi augmentait dans le même temps de 41%. Sans réduction (hebdomadaire et/ou tout au long de la vie) du temps de travail, l’emploi n’aurait pu croître à ce rythme. Désormais, le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et la défiscalisation des heures supplémentaires (qui permet aux employeurs de contourner les 35 heures) participent au blocage de la tendance séculaire à la réduction du temps de travail, bénéfique à l’emploi et au progrès social.

Inutile, injuste et à contresens du progrès social, la réforme des retraites ne saurait passer en force ! Elle doit être retirée, tant elle est rejetée par l’immense majorité des Français. Si le chef de l’État en doute encore, qu’il organise un référendum, à l’occasion duquel chaque citoyen pourra se prononcer sur le devenir de l’une des conquêtes sociales fondamentales de notre République !

Télécharger le communiqué (PDF) :

Crédit photo mise en avant : TV5monde

Faites-le savoir :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *