A l’occasion de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian, ce mercredi 21 février 2024 la Ville de Quimper inaugurait une exposition rendant hommage à Missak Manouchian, mais aussi une plaque commémorative ornant désormais le rond-point de Kermoysan, Boulevard de France.
L’exposition « Missak Manouchian : art, histoire, mémoire » réalisée par la ville de Champigny-sur-Marne, est visible à Quimper du 21 février au 22 mars 2024. Point de départ de l’exposition à la Maison des services publics.
Voici en intégralité le discours qu’a prononcé pour l’occasion M Philippe Broudeur, élu Radical de Gauche à la mairie de Quimper, en charge notamment des anciens combattants et des politiques mémorielles.
Mesdames et messieurs les représentants des associations d’anciens combattants et de victimes de guerre, Mesdames et messieurs les représentants des associations mémorielles, Mesdames et messieurs les élus municipaux, chers collègues, Chers enseignants et élèves du collège Max Jacob, présents pour ce temps important à notre mémoire collective.
Le 21 février 1944, Missak MANOUCHIAN, dans la dernière lettre à sa compagne Mélinée, laisse ce message en héritage. Il lui écrit dans la matinée, peut-être vers cette heure-ci ! Il sait, qu’il sera fusillé, ce jour-là, à 15h au Mont Valérien :
« Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter à la douceur de la liberté et de la paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement ».
Aujourd’hui, 80 ans plus tard, jour pour jour, Missak et Mélinée Manouchian entrent au Panthéon. Ils y rejoignent d’autres combattants de l’armée de l’ombre. Les Radicaux Jean Moulin et Jean Zay ainsi que Geneviève de Gaulle, Germaine Tillion, Pierre Brossolette, et plus récemment Joséphine Baker.
Missak tout au long de sa vie va être confronté à l’ignoble. Arménien réfugié en France pour échapper au génocide de son peuple, il choisit la France comme terre d’accueil et s’engagera de toute son âme et de toutes ses forces dans la lutte contre l’Occupant nazi et ses collaborateurs français, pour défendre les valeurs républicaines de la France, notre pays. A partir de l’été 1943, il devient le responsable militaire en région parisienne des groupes communistes de résistants étrangers, les Francs-Tireurs et Partisans de la Main d’Œuvre Immigrée.
Du fait de leurs origines étrangères – et juives pour nombre d’entre eux – ces résistants seront présentés comme terroristes par l’Occupant allemand. Terroristes métèques. C’est le sens d’une vaste campagne de propagande mise en place par les nazis, avec la très connue Affiche rouge, pour encourager la haine de l’étranger mais l’effet est inverse et nombre de ces affiches se retrouvent flanquées d’un bandeau « morts pour la France » ou tout simplement déchirées.
« Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent, vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps, vingt et trois étrangers et nos frères pourtant, vingt et trois amoureux de vivre à en mourir » reprend le poème de Louis Aragon.
Missak et 21 camarades de lutte, sont condamnés à mort par une cour martiale allemande, dans une parodie de procès.
Nous nous rappelons ainsi de Joseph Epstein, responsable des FTP d’Ile-de-France, nous nous rappelons aussi d’Olga Bancic, la seule femme du groupe, elle ne sera pas fusillée ce 21 février 1924 mais guillotinée en Allemagne peu de temps après ses camarades. Nous leur rendons aujourd’hui un hommage collectif. Unis dans le combat, ils sont réunis dans notre mémoire ! Roumains, tchécoslovaques, Bulgares, Arméniens, Polonais, Italiens, Espagnols … et bien d’autres résistants issus de l’immigration de l’époque.
Mélinée, sa compagne, qui a échappé à l’arrestation, ayant pu trouver refuge chez les parents de Charles Aznavour, les Aznavourian, fût secrétaire et agent de liaison dans la Résistance. Elle n’aura de cesse, tout au long de sa vie, de raconter et défendre les valeurs et l’engagement de Missak.
Comment résonne aujourd’hui la vie et le sacrifice de Missak MANOUCHIAN et de ses compagnons de résistance ? Quels enseignements pour chacune et chacun d’entre nous, au nom d’une certaine idée de la France ? Cette France qui s’est toujours grandie et a inspiré le monde, par la force de ses idéaux, et de sa diversité, plus que par l’étroitesse de ses frontières et la modestie de son poids démographique.
MANOUCHIAN c’est le parcours d’un immigré, fuyant comme beaucoup, depuis le 19e siècle, la misère et les persécutions : Pogroms, massacres, génocides …
Il fit en 1925 le choix de la France comme pays d’adoption. En raison de sa promesse universelle d’égalité des droits, en raison de son aspiration républicaine à la Liberté, à l’Egalité, à la Fraternité et à la Laïcité.
MANOUCHIAN c’est le parcours d’un homme libre et émancipé, nourri de littérature française, celle d’Hugo, de Baudelaire, de Rimbaud et de Verlaine, poète à son tour.
MANOUCHIAN, c’est le parcours d’un homme, très tôt engagé face à l’injustice
et la poussée des idées fascistes. Se mobilisant ainsi dès 1936 dans le Comité d’aide aux républicains espagnols.
MANOUCHIAN c’est la figure d’un authentique patriote, engagé en 1940 dans l’armée Française, sans en avoir la nationalité, comme 100 000 autres étrangers, venus principalement de l’ancien Empire colonial, Algériens, Sénégalais, Maliens, Tunisiens, Marocains, Malgaches, Indochinois.
Morts pour la France, citoyens du monde libre, sans être Français de papier ! Ils avaient la France et ses valeurs chevillées au cœur ! Voilà ce qu’ils étaient, des combattants de la Liberté !
Alors aujourd’hui ? Aujourd’hui 80 années après, comment faire mémoire ? Eh bien, la Ville de Quimper qui fêtera cette année le 80e anniversaire de sa Libération s’associe à cet hommage national. J’en profite, à ce moment de mon propos, pour saluer l’investissement de Jean-Claude Mushingantahe, conseiller municipal délégué aux relations avec les anciens combattants et les associations mémorielles ainsi que notre service des relations publiques, toujours pleinement mobilisé. Nous ne pouvions que nous associer à cet hommage national, ardemment souhaité et longtemps attendu.
En proposant une exposition sur la vie et les engagements de Missak Manouchian, Poète et résistant, réalisée par le Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne, elle sera présentée quelque temps au sein de cette Maison des services public de Penhars, et tournera ensuite dans tous les quartiers de la ville. Elle est particulièrement pédagogique et saura toucher tous les publics, notamment les plus jeunes.
Mais aussi, par décision du dernier Conseil municipal, Missak et Mélinée Manouchian donneront leurs noms à l’un des ronds-points du Boulevard de France, récemment aménagé ; Beau symbole, marqueur à jamais de leur engagement, dans ce quartier où se côtoient toutes les conditions sociales, les origines et les cultures. Tous enfants de Quimper. Ils voisineront très prochainement sur ce Boulevard de France avec Marc Bloch, l’un de nos grands historiens, victimes également de la terreur nazie. Beau témoignage de cet amour en commun pour notre pays, ils se rejoignent dans le cheminement du boulevard de France.
Rappelons-nous de ce qu’écrivait Marc Bloch dans « l’étrange défaite » en 1940 :
« La France, dont certains conspireraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être y réussiront, demeurera, quoiqu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J’y suis né, j’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux ».
Leurs prénoms étaient Missak, Olga, Marcel, Emeric, Jonas, Marc, Thomas, Salomon, Georges … Ils sont morts pour la France et nous laissent à jamais de belles leçons de vie et d’humanité ! Souvenons-nous en et préservons précieusement notre Liberté chérie !