Olivier Faure suscite la colère des socialistes du Grand Est en proposant d’abroger le concordat
La trésorière du parti, Pernelle Richardot, a écrit jeudi un courrier de colère au premier secrétaire du PS, l’accusant de méconnaître la réalité du terrain.
Par Sophie de Ravinel Publié le 03/12/2020 à 18:12
Rarement, voire jamais, le ton est monté à ce point entre Olivier Faure et les élus d’une région. Jeudi, Pernelle Richardot, pourtant proche du premier secrétaire socialiste, trésorière du parti et présidente du groupe PS au Conseil régional du Grand Est, lui a littéralement volé dans les plumes, dans un courrier que Le Figaro s’est procuré. Objet de sa colère : la volonté de Faure, affichée mardi lors du bureau national du PS, d’abroger le concordat en vigueur en Alsace-Moselle. La proposition doit figurer dans un contre-projet au projet de loi « confortant les principes républicains » qui sera présenté le 9 décembre en conseil des ministres. Faure présente ce contre-projet de loi vendredi, lors d’un événement numérique, « Le live des idées ».
« Le concordat est ce témoin vivant d’une histoire nationale forte qui peut certes être discuté mais dans un débat qui mérite respect et connaissance et suppose de se garder des caricatures et des amalgames », lui a durement écrit Pernelle Richardot, jeudi en milieu de journée, dans une lettre cosignée par les responsables PS régionaux, dont l’ex ministre Catherine Trautmann ou le sénateur Jean-Marc Todeschini. « Aucun de nous, responsables fédéraux ou élus locaux, n’a été associé à cette démarche ou consulté sur sa pertinence », s’étonne l’élue, désolée « qu’une fois de plus » le PS « donne l’impression de méconnaître, voire de mépriser, l’histoire singulière » du Grand Est.
« Une méconnaissance totale des réalités de nos territoires »
« C’est incroyable de jacobinisme à l’heure de la décentralisation », s’enflamme-t-elle, interrogée par Le Figaro. Mais l’élue PS du Grand Est sait bien que la démarche du premier secrétaire du PS s’inscrit d’abord dans le projet de loi sur le séparatisme. Elle le dénonce avec vigueur dans son courrier. « Nous ne sommes pas des conservateurs arc-boutés sur la défense d’un droit dépassé et nous ne sommes pas moins laïques que d’autres et si vous nous aviez consultés, insiste-t-elle, nous aurions pu vous expliquer la gravité du lien ainsi fait entre concordat et séparatisme. Ce raccourci est non seulement un contresens historique mais aussi la traduction d’une méconnaissance totale des réalités de nos territoires. » Fermez le ban.
Richardot et les élus de l’Est affirment au contraire que « les politiques républicaines portées depuis des années, notamment par les élus de gauche » ont permis « en s’appuyant sur le concordat » de « créer de nouvelles politiques permettant le vivre ensemble républicain, le respect des croyances de chacun. » Surtout, elle rappelle à ceux qui l’ignoreraient, que le concordat n’est « qu’une infime partie du droit local ». Un droit local que François Hollande, en 2012, alors candidat du PS à la présidentielle, s’était gardé de vouloir remettre en cause.
Des demandes d’abrogation émergent régulièrement de cercles proches des Francs-Maçons du Grand Orient, de la Ligue de l’enseignement ou de la Libre Pensée, de chez Jean-Luc Mélenchon aussi, au moins lors de ses campagnes présidentielles de 2012 et 2017. Pour Gilles Clavreul, ancien préfet et cofondateur du Printemps républicain, « c’est une vieille revendication des milieux laïques. Aujourd’hui, certains, notamment à l’extrême-gauche, s’en servent surtout pour parler d’autre chose quand on évoque la lutte contre l’islamisme, manière de dénoncer un deux poids deux mesures ».
Faure braque aussi le PS en pointant les racines de l’islamisme
Dans un entretien à Libération , jeudi, Olivier Faure a justifié son opposition au projet de loi « confortant les principes républicains ». À le lire, « il y manque cet équilibre entre la fermeté sur les principes et la volonté de consolider dans les faits les valeurs républicaines ». « Il faut être dur avec l’islamisme radical », a ainsi indiqué le premier secrétaire, répétant que le PS ne pouvait participer à la marche du 10 novembre 2019 contre l’islamophobie en raison de mots d’ordre « en contradiction avec (ses) valeurs ».
Mais il faut être « aussi dur » avec les causes, ajoute Faure. Des causes à chercher dans « un mélange de social, de discriminations, d’humiliations sur lequel prospèrent les prêcheurs de haine ». Le député de Seine-et-Marne décrit un cercle infernal : « D’abord le chômage structurel, puis le développement d’une économie parallèle, suit la destruction des familles, la montée des violences, le face-à-face récurrent avec les forces de l’ordre, la fuite des habitants qui le peuvent, puis la constitution de ghettos avec les familles les plus vulnérables avec une connotation souvent ethno-raciale ». Sur ce point, explicitement, le premier secrétaire prend ses distances de l’ex premier ministre Manuel Valls. « C’est une différence avec Manuel Valls, je pense moi qu’il faut comprendre. Comprendre sans excuser, mais comprendre parce que c’est la seule façon de ne pas répéter. »
Cette approche a interpellé plusieurs cadres du PS dont l’ex-député Patrick Mennucci, rapporteur en 2015 d’une commission d’enquête présidée par Eric Ciotti (LR) « sur la surveillance des filières et des individus djihadistes ».« Expliquer la radicalisation par le chômage structurel, ce n’est pas à la hauteur, ce n’est pas vrai», s’agace Mennucci, interrogé par Le Figaro. «C’est aussi problématique pour les jeunes au chômage, dans la pauvreté, qui sont des millions à ne pas dériver, à être en ligne avec la République». «Ceux qui ont créé les plus de dégâts ce n’était pas des pauvres, radicalisés», insiste Mennucci. «Ce que dit Olivier Faure ici, c’est proche de ce que peut dire la députée LFI Danièle Obono», s’emporte-t-il, dénonçant «une tentative de compromis là où on ne peut en accepter aucun». «Il faut dire la vérité, estime l’ancien député, dire que la radicalisation et le terrorisme sont le fait d’individus qui utilisent l’islam pour une domination politique, pour faire disparaître la République et instaurer la charia. »
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Réflexions :
On remarquera tout de même l’amalgame proposé par le Figaro : on passe du concordat à l’islamophobie , islamo-gauchisme, pour servir la propagande de droite anti-gauche. Pour les radicaux de gauche remettre en cause le Concordat n’est pas un problème de principe, cela pouvait être un sujet en 1905 et jusqu’en dans les années 50 mais avec une population qui est, à plus de 70%, agnostique ou se disant vaguement chrétienne le sujet perd de sa force. Le principe juridique de la laïcité introduit dans notre préambule de la constitution de 1946, toujours en vigueur règle le problème de droit, de facto, seul un aménagement conjoncturel à permis de faire perdurer le Concordat.
Pour le terrorisme religieux, islamiste ou autre les rigueurs de la loi doivent s’appliquer. Rappelons le la laïcité n’est pas contre les religions elle permet à chacun de pratiquer les rites choisis. Au bout du compte Olivier Faure a eu un certain courage à mettre les pieds dans le plat au sein de son Parti.
Erwann MARIE