​Célébration de la loi de 1905, dite de séparation des Églises et de l’État

La commission extra-municipale sur la laïcité de la ville de Quimper, la Ligue des droits de Homme de Quimper et de Quimperlé-Concarneau, l’amicale laïque de Concarneau et la ville de Quimper, proposaient une conférence animée par Jean Javanni, président de « l’Association de Défense des Laïques » (AD3L) ce vendredi 9 décembre 2022 à Quimper.

Au programme : Les Fondamentaux de la laïcité, la liberté de conscience et la séparation ; leurs liens avec les principes de la République : « indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Parlons laïcité

Philippe Broudeur, président de la commission extra-municipale sur la laïcité, adjoint à la Maire, revenait sur la genèse de cette soirée en introduction :

En ce 9 décembre 2022, journée de la Laïcité, en référence à la loi du 9 décembre 1905, la commission extra-municipale « Laïcité » de la Ville de Quimper tient à préciser son éclairage sur le sens de la laïcité.

Cette commission, que je préside et anime, se réunit une fois par trimestre. Elle est composée de représentants associatifs : la Ligue des Droits de l’Homme, la ligue de l’enseignement, Mémoires des esclavages, la Société des membres de la Légion d’Honneur, l’association pour la Sauvegarde et la Valorisation du patrimoine Normalien du Finistère, la Liberté d’esprit, des institutionnels tels le Ministère de la Justice et celui de l’Éducation Nationale, la ville de Quimper avec plusieurs élus y compris de l’opposition et enfin des citoyennes et des citoyens sensibles à cette question de la Laïcité et aux valeurs de la République.

Cette commission s’est mise en place dès le début de notre mandat municipal, parce que depuis 1830, les républicains que nous sommes combattons en faveur de l’émancipation des des citoyennes et des citoyens. Pour marquer les valeurs de la République : la Liberté, l’Égalité et la Fraternité.

Schéma laïcité

La laïcité garantit l’expression de nos valeurs communes, celles qui fondent la spécificité de notre République. Où l’éducation, l’instruction sont les matières, aux mains des instituteurs, des éducateurs, des professeurs, pour construire les citoyens. Elle crée aussi un espace philosophique d’émancipation des individus par l’usage de la raison critique.

Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de réhabiliter le sens républicain, le sens de la laïcité. Parce que les inégalités sociales, la précarisation, la peur et l’indifférence, l’ignorance et l’exclusion sont des ferments actifs qui aggravent la fracture culturelle du pays et nuisent à son unité.

La laïcité est le ciment de notre République, il nous faut continuer à expliquer aux jeunes et moins jeunes, la France laïque. Cette spécificité française, d’une communauté nationale, libre de ses choix.

La laïcité est une liberté, notre liberté de croire ou de ne pas croire. La laïcité n’est pas une privation, elle n’interdit pas, elle autorise. Je sais pourtant qu’elle peut être ainsi perçue, tant certains politiques ont agité la laïcité en arme coercitive, à l’égard d’une religion en particulier.

Mais la laïcité ce n’est pas que la liberté de culte. Ne limitons pas la laïcité aux croyants ou athées. La laïcité garantit aussi l’égalité entre les hommes et les femmes. Une dimension à rappeler notamment auprès des plus jeunes, l’apprentissage de la tolérance sur les cours de récréation !

Si on devait résumer les enjeux de la laïcité, on pourrait le faire ainsi : humanisme, car la loi des hommes et des femmes doit prévaloir sur la loi divine; et universalisme, c’est-à-dire la garantie des mêmes droits pour toutes et tous, quelles que soient nos différences, nos croyances.

Il nous appartient d’en porter haut les principes d’une République démocratique conforme à la doctrine républicaine de Léon Bourgeois, pour qui le véritable instrument de tous les perfectionnements sociaux, c’est l’association des individus et l’association des groupes humains consentant à des règles, que les uns et les autres jugent et sentent conformes au bien, parce qu’elle le sont à l’intérêt de tous, une République qui réaffirme la laïcité comme principe fondateur de la France.

Je conclurais par cette citation de Jean Jaurès, toujours d’actualité : « La République doit être laïque et sociale, mais elle restera laïque, parce qu’elle aura su être sociale.« 

L’intervention de Philippe Broudeur en vidéo :

Extrait de l’intervention de Jean Javanni :

Laïcité selon CHARB

N’est-ce pas le regretté Charb de Charlie-Hebdo, sauvagement assassiné le 7 janvier 2015 avec toute sa rédaction, qui avait fait paraitre cette caricature ? C’est « aussi chiant que la messe », sans doute aussi parce que l’on finit par ne plus rien y comprendre, comme une vieille messe en latin.

Alors, oui, essayons quand même d’y voir clair, et parlons-en ! Et, surtout, n’ayons pas peur d’en parler, alors qu’il semble que certains craignent de le faire. Il est vrai que, à propos de laïcité, le discours grand public assène plusieurs notions et expressions au sens mal défini et, finalement, très ambigu. Cela ne fait que brouiller le débat politique et citoyen.

On dit Laïcité, c’est vivre-ensemble. Oui, mais comment ? Avec n’importe qui ? Ne peut-on choisir ?
On dit, c’est la tolérance. Certes, mais même avec des intolérants ?
On dit, en vrac, c’est la liberté religieuse, la non-discrimination, la neutralité de l’État ou de l’école. Certes, mais comment et jusqu’à quel point ? Les enseignants ? Les élèves ? Les parents ? Le personnel de service ? Et au travail, et dans l’entreprise ? Dans le domaine de la bioéthique aussi, on invoque le principe de laïcité, comme dans celui du droit des personnes, par exemple à propos du mariage.

Bref, c’est la cacophonie ! Comment articuler toutes ces notions entre elles ?
Cette cacophonie vient, j’en suis convaincu, du fait que l’on ne prend pas en compte le fait que le principe de laïcité s’inscrit dans la construction générale de la République, qui n’est pas qu’un régime politique, mais une idée politique savamment et progressivement construite au long de l’histoire française. Elle s’inscrit dans un ensemble, et elle est une des pierres angulaire de ce que l’on peut appeler l’édifice républicain
Cela est inscrit dans notre droit ; dans la règle de droit suprême, qui est la constitution.

La laïcité en débat au Sénat

Audition de Henri Peña-Ruiz devant la « Commission sénatoriale d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession »

Henri Peña-Ruiz est philosophe, écrivain, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris, ancien membre de la commission Stasi sur la laïcité

À titre liminaire, je tenais à dénoncer la multiplication abusive des définitions de la laïcité qui tend à en relativiser la signification. Pour moi, il n’y a, en fait, qu’une définition de la laïcité qui réponde aux aspirations des personnes authentiquement attachées à un cadre républicain assurant l’accueil de tous et conforme au triptyque « liberté, égalité fraternité ».

Le mot grec (laikos) désigne l’unité indivisible d’une population et celui de laos désigne le simple membre de cette population sans qu’aucune distinction ne lui soit accordée.

Lorsque je contemple une assemblée humaine, je suis ainsi en mesure d’identifier le laikos et, en promenant mon regard sur les êtres humains qui le constituent, je vois avant tout des êtres humains au-delà de leurs convictions spirituelles, les convictions religieuses et humanistes. D’ailleurs, d’après un récent sondage, les personnes animées de convictions humanistes, c’est-à-dire agnostiques ou athées, seraient en France majoritaires. Ainsi, la laïcité n’a pas rapport qu’aux religions, mais également à tous les types de conviction.

Le laos n’obéit ainsi à aucun principe de différenciation et doit également être animé par un principe de paix et de concorde. Avant de nous réclamer de telle ou telle croyance, nous demeurons avant tout des êtres humains et ce qui nous est commun doit primer sur ce qui vient après et qui nous différencie. Nelson Mandela ne se battait pas pour des droits noirs ou blancs, mais pour des droits qui étaient communs aux Noirs et aux Blancs indépendamment de leurs différences. Le droit à la différence est une expression ambiguë, car si ma couleur de peau me différencie de celle de mon voisin, cette différence ne relève pas du droit, mais du fait. Il vaudrait ainsi mieux souligner que, quelles que soient les différences secondaires, les êtres humains doivent jouir d’un égal respect et d’une égalité de traitement excluant tout privilège comme toute stigmatisation. D’un point de vue étymologique, la laïcité désigne bel et bien la mémoire vive de l’unité première de l’humanité, en amont de ses différenciations, et ce rappel fournit un principe de concorde. Il faut relativiser les différences et les assigner dans la sphère privée individuelle ou collective. Ainsi, une réunion de libres penseurs qui discutent ensemble est une affaire privée collective.

Quelle est la finalité d’un État républicain ? Selon son étymologie, « respublica », il s’agit bel et bien de la chose publique, donc du bien commun à tous, l’intérêt général. Il est ainsi de l’intérêt général qu’il y ait des hôpitaux publics, des écoles publiques, des maisons de la culture ouvertes à tous, qu’ils soient religieux, athées ou agnostiques. Les options spirituelles n’engagent que leurs adeptes. Ainsi est assignée la fonction universelle, qui nous importe à tous, de la laïcité. Celle-ci ne se définit nullement comme le refus des particularismes, mais plutôt comme l’affirmation selon laquelle les particularismes ne sauraient en aucun cas primer sur l’universel et sur la loi générale.

Dès lors, comment définir la laïcité ? Pour ce faire, je me place au degré zéro de la constitution de la cité, à la manière d’une assemblée constituante.

Quels sont les principes qui permettent à des personnes de croyances diverses de coexister le plus justement possible au sein d’une « civitas », nom latin de la polis grecque qui désigne la communauté politique ? La devise républicaine peut nous montrer le chemin. D’une part, liberté, c’est-à-dire la liberté de conscience : les croyants sont libres de croire, mais ils n’engagent qu’eux-mêmes. Les athées sont libres de ne pas croire en Dieu, mais ils n’engagent également qu’eux-mêmes et ne sont donc pas fondés à persécuter les religions. L’athéisme officiel de l’Union soviétique stalinienne bafouait autant la laïcité que l’obligation de la prière publique dans les écoles en Pologne. C’est ainsi une erreur majeure que de penser que la laïcité est une machine de guerre contre les religions.

Retrouvez l’intégralité de l’audition sur les blogs Médiapart : https://blogs.mediapart.fr/monica-m/blog/280515/la-laicite-jean-bauberot-et-henri-pena-ruiz

L’intégralité de la conférence de Jean Javanni (PDF) :

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